Les slogans fleurissent : « Prochaine étape, une rafle des non-vaccinés », « Non au passe-nazitaire ». Les symboles faisant référence à ce qui représente, dans la mémoire collective, le pire de la barbarie, apparaissent sur les avant-bras des manifestants (des numéros) et sur le revers de leurs vestes (des étoiles jaunes).
Dans la ville de Neuillé-Pont-Pierre (Indre-et-Loire), des étoiles de David ont été peintes sur les murs d’un centre de vaccination. Une stèle érigée en l’honneur de Simone Veil a été vandalisée trois fois en une semaine, à Perros-Guirec (Côtes-d’Armor). A Metz, le 7 août, une enseignante, Cassandre Fristot, ex-membre du Front national, brandissait une pancarte avec une liste de noms de « traîtres », la plupart de confession juive, et au centre, l’inscription « Mais Qui ? », le « Q » étant orné de cornes. Destiné à désigner les « responsables de la crise », il est devenu un code visant à diffuser la parole antisémite sur les réseaux sociaux.
Depuis la fin du mois de juin, ces comparaisons récurrentes avec le sort réservé aux juifs lors de la seconde guerre mondiale et les manifestations d’antisémitisme – directes ou allusives – s’expriment chaque samedi dans les cortèges des opposants aux mesures sanitaires. Elles marquent le retour au premier plan d’un antisémitisme d’extrême droite décomplexé. « Depuis le début des années 2000, on a beaucoup porté l’accent sur l’antisémitisme islamiste. Or, l’antisémitisme que l’on voit aujourd’hui et qu’on a pu avoir tendance à sous-estimer, c’est celui qui émane de l’extrême droite », souligne Joël Mergui, le président du Consistoire central israélite de France.
Face à cette résurgence, en actes, en mots et à visages découverts – donc assumée – de la haine antijuifs, les institutions représentatives de la communauté juive et les associations antiracistes appellent à la vigilance. « S’en prendre aux juifs est toujours révélateur d’une agression envers toute une société, rappelle M. Mergui. Quand on commence à s’en prendre aux juifs, à terme, c’est toute la société qui est visée. L’antisémitisme n’est que la partie émergée de cette haine des institutions, de l’ordre établi… »
« Qui ? », expression d’une obsession
« Qui ? » Un simple « pronom interrogatif », selon le groupe catholique intégriste d’extrême droite Civitas. « Une expression antisémite caractérisée qui ne dupe personne, y compris la justice », pour Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme (LDH). On connaît son origine. Il s’agit d’une référence à la question posée le 18 juin à l’ex-général Dominique Delawarde, sur CNews. Ce signataire, en avril, d’une « tribune des généraux » qui appelait à l’intervention de l’armée pour protéger « nos valeurs civilisationnelles », évoquait ceux qui « contrôlent la meute médiatique ». « Qui ? », lui demande à plusieurs reprises Claude Posternak, communicant et membre de La République en marche. « La communauté que vous connaissez bien », finit par lâcher le général en retraite.
Il vous reste 77.29% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.