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"On ne connait que 5% de l'univers" : Eric Lagadec nous explique les nombreuses zones d'ombre du ciel

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Les observations de l'univers ont beau être plus précises, nous ne connaissons qu'un tout petit bout de l'univers. 95% de la matière et de l'énergie de l'immensité qui nous entoure ne sont toujours pas identifiées. L'astrophysique a encore de belles découvertes devant elle selon Eric Lagadec.

Le télescope James Webb a pris une image du champ profond de l'univers qui montre un groupe de galaxies formé il y a plus de 4 milliards d'années Le télescope James Webb a pris une image du champ profond de l'univers qui montre un groupe de galaxies formé il y a plus de 4 milliards d'années
Le télescope James Webb a pris une image du champ profond de l'univers qui montre un groupe de galaxies formé il y a plus de 4 milliards d'années © Maxppp - UPI

Quand on parle de l'univers, on parle de tailles et de durées qui défient notre imagination et rejoignent parfois l'infinité. Quand vous regardez le ciel, vous contemplez une immensité à peine croyable. Pour s'en rendre compte, il existe des comparateurs d'échelle vraiment parlants et facile d'utilisation.

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Imaginez donc qu'il faudrait entre 200 et 350 jours pour aller sur Mars avec les fusées actuelles. La planète rouge, à l'échelle du système solaire, c'est juste à côté. À l'échelle de la galaxie, c'est vraiment extrêmement proche. Alors à l'échelle de l'univers, n'en parlons pas…

45 milliards d'années-lumière

"On a même mis du temps à comprendre" lance Eric Lagadec, "quand on regarde le ciel à l'œil nu, on va voir des étoiles qui sont à quelques années-lumière jusqu'à quelques milliers d'années-lumière". Une année-lumière, c'est la distance que parcours un grain de lumière en une année dans le vide, soit 10.000 milliards de kilomètres.

Le ciel étoilé nous permet ainsi de voir un bras de notre galaxie, la Voie lactée : "On parle là de centaines de milliards d'étoiles et d'un diamètre de plusieurs milliards d'années-lumière". Nos yeux peuvent également voir près de la constellation de Cassiopée, une nébuleuse "qui est l'équivalent de notre Voie lactée, donc une galaxie formée là-encore de centaines de milliards d'étoiles, on a compris qu'il s'agissait de la galaxie d'Andromède". La lumière qu'elle émet met 2,5 millions d'années à nous parvenir. Et pourtant là-encore, Andromède est notre voisine de palier dans l'univers.

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Les limites de l'univers observables sont 18.000 fois plus grandes : autour de 45 milliards d'années-lumière. La taille de l'univers étant de 13,5 milliards d'années auxquels il faut ajouter son âge, 13,8 milliards d'années et son expansion accélérée : "Les galaxies les plus lointaines que l'on connaisse nous envoie une lumière émise il y a 13,4 milliards d'années".

Pour tenter de vous expliquer le rapport entre les tailles dont on parle, il faut s'imaginer que si la Terre était un atome d'hydrogène, l'univers serait le Soleil.

Géante rouge puis naine blanche

Notre soleil lui est plutôt jeune. Formée il y a 4,5 milliards d'années, notre étoile est à l'âge de la maturité. Il lui reste encore autant de temps à vivre à priori. D'ici là, il aura brûlé tout son hydrogène et commencera alors un processus irréversible. En brûlant son hélium, notre étoile va gonfler pour arriver "à peu près au niveau de la Terre".

Transformée en géante rouge, notre soleil va refroidir lentement en expulsant son gaz et se transformer par la suite en naine blanche. "Ce sera un feu d'artifice tranquille, le soleil va éjecter de la matière à peu près à 20 km par secondes, c'est assez rapide, mais ça va prendre quelques dizaines ou centaines de milliers d'années. Ce ne sera pas une explosion spectaculaire et hyper rapide comme une supernova", indique Eric Lagadec. La luminosité du soleil augmente en effet de 10% tous les milliards d'années.

Vos descendants ne verront rien du spectacle : "D'ici à un milliard d'années, bien avant que l'étoile ne devienne une géante rouge, l'augmentation de la température du soleil aurait tout faire griller sur Terre", annonce l'astrophysicien.

Par la suite, le soleil se transformera en naine blanche. Une étoile dense et très chaude, dans un premier temps, où la masse de l'étoile est concentrée en gros dans la taille de la Terre.

La nébuleuse du crabe avec en son centre l'étoile à neutrons qui tourne sur elle-même en quelques millisecondes
La nébuleuse du crabe avec en son centre l'étoile à neutrons qui tourne sur elle-même en quelques millisecondes © Maxppp - Nasa

Une étoile visible en plein jour en 1054

Pas de supernova dans le système solaire donc. On estime qu'il y en a une qui explose dans la galaxie à peu près tous les siècles. Le phénomène arrive quand une étoile massive en fin de vie explose et produit une luminosité extrême : une supernova peut produire plus de lumière qu'une galaxie entière ! Si Bételgeuse, dans la constellation d'Orion, explosait en supernova, on estime qu'on pourrait lire le journal en pleine nuit, à la lumière de la supernova, sans doute pendant plusieurs semaines.

Une étoile de la taille de Brest et la masse du Soleil

L'étoile serait sans doute visible dans le ciel, y compris en plein jour. C'est ce qui s'est produit en 1054. Les Chinois ont rapporté l'apparition d'une nouvelle étoile dans le ciel, visible en journée, pendant quelques jours : "On s'est longtemps demandé ce que c'était. Les Chinois ayant donné les directions de l'observation, l'astronome français Charles Messier a trouvé une nébuleuse juste dans cette direction". La nébuleuse du Crabe dégage du gaz en expansion dont on peut mesurer la vitesse et retracer l'histoire : "On s'est rendu compte qu'elle était en expansion depuis à peu près 1.000 ans. Donc ce qu'on a vu là, c'est le gaz expulsé par l'étoile qui a explosé en 1054".

Plus récemment, un télescope a observé le centre de cette nébuleuse pour y trouver une étoile à neutrons : "Une étoile extrêmement dense qui fait en gros la taille de Brest, mais avec la masse du soleil. Une cuillère à café pèse plusieurs milliards de kilos". L'étoile à neutrons est le dernier stade avant la formation d'un trou noir.

Une autre image de la nébuleuse du crabe permet de voir la combinaison entre la rotation rapide de l'étoile et son champ magnétique extrêmement fort
Une autre image de la nébuleuse du crabe permet de voir la combinaison entre la rotation rapide de l'étoile et son champ magnétique extrêmement fort © Maxppp - Nasa

Une matière que l'on ne trouve pas, une énergie invisible

Avec les trous noirs et les supernovas, les deux sujets les plus accrocheurs de la presse scientifique grand public sont la matière et l'énergie noires. Mystérieuses et essentielles pour la compréhension de l'univers, ces deux inconnues font partie des grands mystères de l'astrophysique moderne. Commençons par la matière noire : "Si on regarde comment les planètes tournent, les lois de Kepler nous permettent de mesurer et comprendre les différences de vitesse en fonction de leur distance et de leur masse, et cela marche très bien". La théorie a commencé à vaciller avec l'observation des étoiles : "Pour expliquer leurs mouvements, il faut rajouter de la masse, de la masse que l'on n'arrive pas à voir".

Le système solaire pourrait être plus "poilu" qu'on ne le pensait. Cette illustration montre la Terre entourée de filaments théoriques de matière noire
Le système solaire pourrait être plus "poilu" qu'on ne le pensait. Cette illustration montre la Terre entourée de filaments théoriques de matière noire © Maxppp - Zuma Press

D'où le terme de matière sombre, traduite en matière noire en français. Une masse invisible et pourtant essentielle pour la formation des galaxies. C'est, en tout cas, autre chose que la "matière baryonique" : les protons, neutrons, quarks ou particules (la matière "classique" pour faire simple). Depuis que l'on a soulevé l'incohérence entre la matière qu'il nous manque et la matière qu'il faudrait pour expliquer les mouvements dans l'univers, on a trouvé des trous noirs, du gaz, des étoiles extrêmement denses, mais on est encore très loin d'avoir assez de matière.

Matière invisible ou théorie incomplète ?

Les chercheurs travaillent sur deux hypothèses : soit la matière noire nous échappe encore et il faut trouver des moyens de l'observer via des accélérateurs de particules encore plus puissants et précis, soit la théorie est incomplète. "La dernière fois que l'on a fait une grande révolution en astrophysique, c'est en 1915 donc on est peut-être arrivé à un moment où il va falloir en faire une nouvelle", résume Eric Lagadec. Cette matière sombre représente un peu plus 25% de la matière théorique de l'univers selon les modèles actuels.

L'énergie noire est encore plus présente bien que tout aussi invisible : elle représenterait près de 70% de l'univers. Tout part d'une astronome américaine, Henrietta Leavitt qui met au point une technique pour déterminer les distances en observant les étoiles variables. À la fin des années 1920, l'astronome américain Edwin Hubble observe l'une de ces étoiles dans une nébuleuse spirale, la galaxie d'Andromède, et mesure sa distance (2,5 millions d'années-lumière). Entre-temps, en utilisant l'effet Doopler, des chercheurs américains, se rendent compte que les galaxies s'éloignent de nous : "Tout le monde a déjà entendu que lorsqu'une ambulance passe, la fréquence du son se décale, c'est le cas pour toute source en mouvement" résume Eric Lagadec. Concrètement, une galaxie qui s'éloigne de nous verra sa lumière se décaler vers le rouge, et vers le bleu si elle se rapproche : "On s'est rendu compte qu'elles se décalaient toutes vers le rouge et que plus elles étaient loin, plus elles se décalaient fortement". Ce qui ouvre des perspectives vertigineuses, car ce n'est pas logique : "La vitesse d'expansion de l'univers s'accélère, or pour aller plus vite en voiture, il vous faut apporter de l'énergie au moteur, et c'est ce quelque chose qui accélère l'expansion de l'univers que l'on cherche". Et qu'on ne trouve pas.

Là encore, soit les techniques d'observation actuelles ne nous permettent pas encore de "voir" cette énergie, soit la théorie de la gravité est partiellement fausse. Constante cosmologique, quintessence, artefact, nouveaux champs physiques, multigravité, invariance de l'échelle du vide, il existe plusieurs hypothèses à ce jour : "Si vous ne savez pas quoi faire pendant les vacances, essayer de trouver une gravitation nouvelle et de nouvelles particules, mais c'est quelque chose d'assez compliqué", prévient Eric Lagadec.

La carte du ciel de ce 14 août

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Saturne devient de plus en plus visible dans le ciel breton à mesure que l'été avance © Visactu

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